On se baladait tranquillement dans les rues d’Antiparos. Avant de reprendre notre ferry. J’avais la tête dans les nuages. Comme toujours.
En passant devant ce café. Mon regard s’est posé sur ce garçon. Assis au bout de la table. Alors que ses amis parlaient et rigolaient. Lui me regardait moi. Avec une expression familière.
Ce regard. Cette gêne. Ce léger sourire. Comme si l’on se connaissait. Mais d’où ?
Pas d’ici. J’en suis certain.
Pas de cette île. Pas de ce pays. Pas même de cet univers ou de cet espace-temps.
Où avais-je déjà pu voir ce grand garçon blond aux yeux clairs ?
Alors que je continuais à marcher, je me suis raconté notre histoire. Et elle n’était pas gaie. C’est pourquoi il y avait cette tristesse mêlée à de la culpabilité dans son regard.
Il m’avait fait mal. Alors que c’était un garçon bien.
C’était l’ami d’un collègue. On s’était rencontré à une soirée. Il m’avait tout de suite plu. Grand, blond aux yeux verts, il était très indépendant. Un peu nerveux et impatient. Et surtout peu bavard.
Il m’a poké sur Facebook le lendemain. Quand Facebook était encore cool. Et on s’est ajouté.
On s’est retrouvé un soir après le travail pour un jap. Il était dur à lire. Et j’avais l’impression de devoir faire mille efforts pour le séduire.
Alors que je pensais que tout était perdu, il m’a embrassé. Juste avant de nous quitter. Inattendu et furtif.
Je suis descendu dans le métro, sur un petit nuage. Et lui, est parti récupérer sa voiture. Je me suis empêché de lui envoyer un texto et je me suis couché.
Au réveil, j’ai vu qu’il m’avait envoyé un message. À 3h02. Bingo !
Il habitait en banlieue. Dans le 95. Et pour notre date suivant, il est venu me chercher au travail. Et m’a conduit chez lui en voiture. J’étais tellement excité. Tout m’excitait. Lui. Le fait qu’il conduise. Sa façon de serrer la mâchoire. Sa main ferme sur le volant. Il avait l’air si tendu, si dur.
Le programme était simple. Soirée films et pizzas. La soirée parfaite.
Mais à peine le film en route, mon bras contre son bras, ma cuisse contre sa cuisse. Il m’était impossible de penser à autre chose. Je le voulais maintenant. Tout de suite. Et c’était réciproque.
Nous n’avons pas eu le temps de mettre le film sur pause que nous étions déjà l’un sur l’autre. Tout habillés. Il me serrait fort les poignets. Comme pour garder le contrôle. Mais j’avais plus de force que lui.
C’était très physique. Chaud. Il transpirait et rougissait beaucoup. Ses joues, ses oreilles, son corps par endroits. C’était bon. Très bon.
Cette nuit-là, nous n’avons fait que ça.
Alexandre et moi sommes sortis ensemble trois mois seulement avant qu’il m’annonce que c’était terminé. Il n’était tout simplement pas tombé amoureux.
Le coeur brisé. Frustré. Je me suis rendu compte que je n’avais jamais réussi à entrer.
Je ne l’avais plus jamais revu. Jusqu’à maintenant.
J’ai entendu mon prénom. On me demandait où je m’étais encore échappé. Nous étions au bout de la rue. Prêts à traverser. Et je venais de créer une réalité dans laquelle ce garçon mystérieux et moi nous étions connus.
Encore aujourd’hui, j’ai son visage en tête. Je me demande pourquoi il m’a souri. Pourquoi comme cela. Et chaque fois que je pense à lui. J’ai l’impression d’être sur le point de me souvenir de quelque chose. Et je n’y parviens pas.
Qui que soit ce garçon.
Je lui dédie ce billet.