C’était la soirée de rentrée au Volley.
L’occasion pour moi de revoir les Chéri.e.s du Volley que je n’avais pas revu.e.s depuis mon changement de niveau.
Beaucoup de Tu m’as manqué. Beaucoup de Je t’aime. Et beaucoup de câlins.
Je suis rentré. Avec sur moi. Mille parfums différents.
Je repense très souvent au Confinement. À la période la plus grave du Covid. Lorsque nous avons déserté les rues. Cessé de bouger. Et ralenti notre activité.
Lorsque la Nature s’est régénérée. L’eau des fleuves et cours d’eau éclaircie. Et que les animaux sauvages ont profité d’un petit peu de répit. D’une pause bien méritée.
Je me souviens du silence. Du calme. Et de l’espoir que nous avions alors. De notre volonté de tout changer. De prendre de bonnes habitudes. Et de créer quelque chose de mieux.
Et comment nous l’avions nommé. Le Monde d’Après.
Nous sommes trois ans plus tard.
Nous sommes pire qu’avant.
Et le Monde d’Après n’existe pas.
C’est agréable. Ces grandes villes qui n’en sont pas. Cette architecture qui dépayse. Ces panneaux de signalisation dans une langue inconnue. Ce vent frais. Ces larges rues qui nous sont étrangères. Déambuler sans savoir où l’on va ni même si l’on réussira à retrouver son chemin. Ces petites terrasses de café, ces pavés et ces noms de magasins que l’on ignore. Ces petits étals de fleurs à chaque coin de rue. Cette foule qui ne se marche pas dessus. Ces beaux garçons blonds sur leurs vélos.
Être incognito. Vivre à l’hôtel quelques jours. Boire du soda local. Être un peu en dehors du temps. Loin des agitations. Des guerres et des conflits. Des horreurs.
C’était agréable d’être loin du monde.
Je l’ai vu pour la première fois, quelque part, en 1994. Tous réunis dans la salle de spectacle de mon quartier pour la diffusion d’un film.
Peter et Elliott le dragon ou On a marché sur la Lune. Je ne sais plus exactement de quel film il s’agissait. Ce jour-là, le temps que les gens s’installent, l’écran projetait un dessin animé que je ne connaissais pas et qui allait juste me coller à la peau jusqu’à aujourd’hui.
– C’est quoi ce dessin-animé ?
– C’est Sailor Moon, c’est tout nouveau !
Bien assis, mon regard s’est posé sur ce garçon. Debout à l’autre bout de la salle. Il semblait en charge de personnes. Un grand brun, en jeans, chemise et veston – ce que les années 90 faisaient de mieux. J’avais 12 ans à peine. Et c’était déjà un jeune adulte.
Jérome. Je ne sais pas comment j’ai réussi à avoir son prénom. Il était animateur au centre aéré. Et j’allais commencer à le croiser plus souvent.
Je n’ai pas beaucoup de souvenirs de Jérôme ni de nos éventuelles interactions. Je me rappelle simplement qu’il était toujours gentil avec moi. Et que j’avais un crush monstre sur lui.
J’ai fini par ne plus le croiser. Et naturellement j’ai pensé qu’il avait déménagé avant de passer au coup de coeur suivant.
Ce matin. Je l’ai croisé dans la rue. Il était à vélo et toujours aussi mignon. J’avais à présent mon corps d’adulte. Je pense qu’il est impossible pour une personne qui m’a connu plus jeune de faire le rapprochement avec mon apparence d’aujourd’hui.
Alors, j’ai regardé droit devant moi et j’ai souri une fois qu’il m’a dépassé. J’ai souri pour moi. En pensant à mon jeune-moi complètement amoureux. Par nostalgie. Et pour cet heureux hasard.
J’ai parfois envie de leur dire. À ces messieurs sur lesquels j’ai craqué plus jeune. Ma tête était pleine de vous. Mes journaux portaient vos prénoms. Et le moindre de vos regards, la moindre attention, le moindre sourire me plaçait au centre de l’univers.
J’avais l’impression que tout tournait autour de moi.
Alors qu’en fait, je n’étais personne.
Juste un jeune garçon sensible qui avait le béguin.