Je l’ai vu pour la première fois, quelque part, en 1994. Tous réunis dans la salle de spectacle de mon quartier pour la diffusion d’un film.
Peter et Elliott le dragon ou On a marché sur la Lune. Je ne sais plus exactement de quel film il s’agissait. Ce jour-là, le temps que les gens s’installent, l’écran projetait un dessin animé que je ne connaissais pas et qui allait juste me coller à la peau jusqu’à aujourd’hui.
– C’est quoi ce dessin-animé ?
– C’est Sailor Moon, c’est tout nouveau !
Bien assis, mon regard s’est posé sur ce garçon. Debout à l’autre bout de la salle. Il semblait en charge de personnes. Un grand brun, en jeans, chemise et veston – ce que les années 90 faisaient de mieux. J’avais 12 ans à peine. Et c’était déjà un jeune adulte.
Jérome. Je ne sais pas comment j’ai réussi à avoir son prénom. Il était animateur au centre aéré. Et j’allais commencer à le croiser plus souvent.
Je n’ai pas beaucoup de souvenirs de Jérôme ni de nos éventuelles interactions. Je me rappelle simplement qu’il était toujours gentil avec moi. Et que j’avais un crush monstre sur lui.
J’ai fini par ne plus le croiser. Et naturellement j’ai pensé qu’il avait déménagé avant de passer au coup de coeur suivant.
Ce matin. Je l’ai croisé dans la rue. Il était à vélo et toujours aussi mignon. J’avais à présent mon corps d’adulte. Je pense qu’il est impossible pour une personne qui m’a connu plus jeune de faire le rapprochement avec mon apparence d’aujourd’hui.
Alors, j’ai regardé droit devant moi et j’ai souri une fois qu’il m’a dépassé. J’ai souri pour moi. En pensant à mon jeune-moi complètement amoureux. Par nostalgie. Et pour cet heureux hasard.
J’ai parfois envie de leur dire. À ces messieurs sur lesquels j’ai craqué plus jeune. Ma tête était pleine de vous. Mes journaux portaient vos prénoms. Et le moindre de vos regards, la moindre attention, le moindre sourire me plaçait au centre de l’univers.
J’avais l’impression que tout tournait autour de moi.
Alors qu’en fait, je n’étais personne.
Juste un jeune garçon sensible qui avait le béguin.